Fête des pères

dscn4585

Fête des pères, Greg Olear, Le Cherche midi, parution le 02/02/2017, 413 pages, 19.50 euros

Ah les enfants, quels tyrans adorables! Nous les aimons, les adorons, les cajolons…mais il y a des fois où, comment dire, on ferait n’importe quoi pour avoir une pause de 5 minutes, boire un café (chaud), bouquiner un truc sans être interrompu, tout cela sans que le salon ressemble à Stalingrad après la bataille. Alors parfois, on ferme les yeux :

« Les enfants sont calmes, trop calmes. Je jette un coup d’œil dans le rétroviseur ; Roland et Maude ont chacun le doigt dans le nez. Ils sont vraiment concentrés et fouillent comme des archéologues aguerris. Mon rôle en tant que parent est de les en dissuader. Se curer le nez n’est pas un comportement admis en bonne compagnie. Mais comme cela doit leur paraître logique -et ça l’est effectivement – d’insérer son index dans un trou de nez de la taille d’un index au fond duquel se trouve une boule visqueuse qui tient parfaitement sur le bout du doigt et qui nécessite justement d’être retirée! Comme il est peu naturel d’étouffer cet instinct biologique si raisonnable! Et pourtant, je suis censé expliquer à mes enfants qu’ils ne devraient pas faire une telle chose.

Et puis merde. Qu’ils fouillent. Au moins ils sont calmes. Je vais faire semblant de n’avoir rien vu. »

Josh Lansky, père au foyer (enfin il bosse sur un projet de scénario, mais c’est pas facile facile) hipster d’une trentaine d’année se retrouve à devoir gérer ses enfants seul pendant une semaine. Nous découvrons alors son quotidien bouleversé par des choix cornéliens (Vaut-il mieux prendre un café ou une douche? Leur faire des pâtes ou des légumes? Leur mettre ou non des dessins animés?*etc.) alors qu’une mère de famille amie lui apprend que sa chère et tendre lui serait infidèle. Greg Olear (que nous avions découvert il y a quelques années avec Totally Killer – un roman à la fois sombre et caustique) nous embarque dans une aventure où l’humour est dévastateur et politiquement incorrect. Une vraie bouffée d’air frais pour les parents surmenés et un chouette contraceptif pour ceux qui ne le sont pas – « parents » pas « surmenés », vous êtes obligés d’être surmenés ;)!

Bref, on passe un vrai bon moment!

Emma

(*) La bonne réponse est café+pâtes+dessins animés, pour ceux qui auraient des doutes.

P.S : Je tiens à préciser qu’aucun enfant n’a été corrompu par des bonbons pour la réalisation de cette photo.

Apéro littéraire : petit compte-rendu

baie-d-halong-paysages-vietnam-asie-sud-est5

La soirée de jeudi a été riche en échanges et coups de cœur, autour d’un chouette apéro (comme d’habitude!) concocté par le Nez Rouge. Comme les inscriptions on été complètes très rapidement, voici un petit compte-rendu, avec la liste des titres qui ont été cités :

Le dernier quartier de lune. Chi Zijian

Ermites dans la taïga. Vassili Peskov

Les pleurs du vent. Medoruma Shun

Le poids des secrets. Aki Shimazaki

Amour dans une petite ville. Anyi Wang

L’homme qui marche. Jiro Taniguchi

Les années douces. Hiromi Kawakami

Soudain j’ai entendu la voix de l’eau. Hiromi Kawakami

Eclipses japonaises. Eric Faye

Passagère du silence. Fabienne Verdier

Le peintre d’éventail. Hubert Haddad

Haiku. Anthologie du poème court japonais.

La ballade de l’impossible. Haruki Murakami

Syngue Sabour. Atiq Rahimi

Le rêve du village des Ding. Yan Lianke

La bicyclette rouge. Yahwari

Moi jardinier citoyen. Min-Ho-Choi

Les bonbons chinois. Mian-Mian

Le restaurant de l’amour retrouvé. Ito Ogawa

Hôtel Iris. Yoko Ogawa

Confession d’un masque. Yukio Mishima

Narayama. Shichiro Fukazawa

Dans les forêts de Sibérie. Sylvain Tesson

Le joueur. Fédor Dostoïevski

François Cheng

Les belles endormies. Yasunari Kawabata

Le convoi de l’eau. Akira Yoshimura

Tokyo Sanpo. Florent Chavouet

L’archipel d’une autre vie. Andreï Makine

L’accompagnatrice. Nina Berberova

Le fusil de chasse. Yasushi Inoue

Soie. Alessandro Baricco

Les sentinelles des blés. Chi Li

Lettres chinoises. Yeng Chen

Le pèlerinage aux sources. Lanza del Vasto

Le goût des orties. Junichirô Tanizaki

L’île d’Iô. Ch’ôngjun Yi

 

Voilà quelques idées pour un voyage littéraire réussi en Asie :). Le prochain apéro aura lieu début mars (je vous donne la date bientôt) et portera sur les héroïnes dans la littérature.

 

Emma

 

 

 

 

Les animaux

les-animaux

« Jusqu’ici tout va bien… ou à peu près ». Il y a Nat, son grand frère Bill et un voisin du quartier, Rick. Une belle amitié unit ces gamins mais l’on sent poindre, déjà, un manque d’insouciance, la débrouillardise acquise rapidement, les menus larcins et la monotonie d’une vie sans grand éclat. Et puis un jour, le destin dérape plus que d’ordinaire. Christian Kiefer aura le talent nécessaire (ainsi que sa géniale traductrice, Marina Boraso) pour nous faire revenir à cette césure. Nous, nous revenons vers le refuge de « Bill Reed », qui recueille les animaux sauvages blessés par l’Homme. L’intensité de ces descriptions sont incroyablement percutantes, en reliance totale avec notre première histoire. J’ai été happé par le regard blanc de Majer, cet immense grizzly qui flaire et comprend tout. La dualité entre monde sauvage et sauvagerie des hommes est de mise dans ce roman haletant qui oscille entre le regard sombre d’un Richard Ford et l’amour porté à la nature d’un Ron Rash. « Bill » a refait sa vie, loin de la fureur. Il a trouvé l’amour et en apprécie chaque jour l’importance. Mais le passé rattrape toujours son homme et, tel un échiquier, Kiefer met ses pions en place. La forêt enneigée va, au fur et à mesure, envelopper vengeance et rédemption, ombres et destins. Les animaux est un roman d’une incroyable densité qui m’a laissé son empreinte sauvage pour un petit bout de temps. Juste un grand roman.

Les animaux de Christian Kiefer – Albin Michel – 400 p. – 25 euros –

Fanny Grizzly 😉

Article 353 du code pénal

img_2676

Article 353 du code pénal, Tanguy Viel, Minuit, 176 pages, paru le 03/01/2016, 14.50 euros

L’intrigue de ce roman ne réside pas dans une énigme. Les faits sont là : Martial Kermeur vient d’être arrêté pour avoir jeté à la mer Antoine Lazenec, promoteur immobilier. L’histoire c’est celle qu’il va alors conter au juge devant lequel il a été déféré, même si elle semble un peu longue, même si tout a débuté il y a pas mal d’années, finalement. L’intérêt de ce texte repose sur le comment, le pourquoi, le contexte. Et puis surtout, il y a l’écriture de Tanguy Viel, épurée, vive, qui met en lumière l’histoire de Martial.

Une très belle découverte.

Emma

Née Contente à Oraibi

080

Comme ce livre m’a fait du bien ! Déjà, la maquette, ce n’est pas rien, c’est la porte d’entrée d’un univers. Et là, Le Tripode tape fort par cette illustration toute en finesse. Puis vient l’histoire – passionnante – et l’écriture – précise – de Bérengère Cournut. « Voilà… » me suis-je dit « un roman qui emporte loin, envoûtant et humble ». Vraiment, de ces livres que l’on garde ensuite tout contre soi pour continuer à en apprécier la douceur et l’originalité. Nous partons dans l’histoire de Tayatitaawa –Celle-qui-salue-le-soleil-en-riant-, une jeune indienne Hopi – le Peuple de la Paix. Auprès de notre héroïne, nous touchons à la vie de ce peuple perché sur les trois mesas au nord de l’Arizona, sur des terres arides qu’ils domptent jour après jour. Leur vie est rythmée par des cérémonies et des rituels; le clan de l’Ours n’est pas le clan du Papillon comme il n’est pas le clan du Serpent, me suivez-vous? 🙂 L’implication de Bérengère Cournut est complète, elle a amassé des enseignements et nous en livre l’essence. Devenue « amie » de Tayatitaawa, j’ai ressenti le bonheur de l’être et de la comprendre au fur et à mesure des pages. Je pourrais en parler des heures de ce bonheur là, de cette découverte, entre essai ethnographique, récit de découverte et roman jubilatoire. Cournut nous conduit dans une autre réalité par le prisme de cette jeune Hopi, qui n’est pourtant pas si éloignée de nous. Juste un autre regard, une autre approche de notre Monde. Et c’est aussi cela le cadeau, pour moi, de toute littérature : secouer mes idées, aller toucher d’autres espaces. C’est ce que réussi totalement Née contente à Oraibi, un pur plaisir, doux et bienveillant.

Née contente à Oraibi de Bérangère Cournut aux éditions du Tripode – 269 pages – 19 euros –

Fanny.

Trois saisons d’orage

img_2661

Trois saisons d’orage, Cécile Coulon, Viviane Hamy, paru le 05/01/2017, 265 pages, 19 euros

Après quelques tentatives infructueuses sur la rentrée de janvier, quelle joie de tomber sur cette petite pépite (merci à Natacha, ma collègue bd, pour l’info 😉 ). Dès les premières pages, l’écriture de Cécile Coulon s’impose et j’ai la certitude de tenir quelque chose de grand entre les mains.

L’histoire se passe aux Fontaines, village hostile s’il en est, et plus particulièrement aux Trois-Gueules, des falaises réputées infranchissables. Nous découvrons l’histoire d’André, jeune médecin qui choisit de s’installer dans cet endroit perdu, apportant ainsi l’espoir d’une vie meilleure à ses quelques habitants. Nous sommes juste après la seconde guerre et ce sont trois générations que nous suivrons, avec leur lot d’amour, de secrets et de fureur.

Clairement, nous ne sommes pas dans une comédie, vous l’aurez compris. L’âpreté de la nature façonne les habitants des Trois-Gueules, et nous nous retrouvons ballottés par la passion qui s’y déchaine parfois. Il y a pourtant, aussi, une beauté omniprésente , une poésie et une force qui font que vous êtes corps et âme avec les personnages et qu’il est difficile de  reposer ce roman.

Premier et immense coup de cœur de janvier, d’autres suivront surement. S’ils sont au même niveau, ce sera une très belle rentrée 2017.

Emma

Les Furies

img_2657

Les Furies de Lauren Groff (ed. L’Olivier) est le roman d’un amour, l’histoire d’un couple parfait.

A vingt-deux ans, Lancelot Satterwhite, jeune étudiant new-yorkais et comédien passionné par Shakespeare, épouse Mathilde, l’unique à ses yeux, sa déesse, sa muse, sa protectrice… Les années passeront, Lancelot deviendra un célèbre dramaturge et Mathilde sera toujours à ses côtés, le couple rayonne et provoque l’admiration. Mais peut-être faut-il changer de point de vue pour entrevoir une réalité un peu différente…

Entraînant le lecteur tantôt dans un flamboiement lyrique, entre folle passion et lumières éblouissantes du succès, tantôt dans les zones d’ombres d’une intimité cachée, Lauren Groff montre une maîtrise chirurgicale de la construction romanesque et nous laisse avec un goût de « trop peu » dans les tripes.

Gaël

Ce que nous avons perdu dans le feu

ce-que-nous-avons-perdu-dans-le-feu-9782364681651_0

« étonnant, détonnant, affolant« , voilà les trois mots qui me sont venus à la fin de recueil -époustouflant- de nouvelles. Et un coup de cœur pour douze nouvelles, ce n’est pas rien m’sieur dame 🙂 : tout doit être lié, en osmose, chaque histoire doit porter une intensité, une originalité et être sensiblement reliée par l’autre, celle qui suit. Là est le talent de Mariana Enriquez et de sa traductrice Anne Plantagenet. Des images me sont venues rapidement, ces nouvelles ont déclenchés les visions du monde troublant « à la » Diane Arbus et l’univers gothique, sans être fantastique, « à l’humeur » du grand Allan Edgar Poe. Oui, rien que ça. Ce que nous avons perdu dans le feu prend le décor d’une cour des miracles typiquement brésilienne où s’entrecroisent cet enfant de junkie, cette ado fantomatique, cette Adela amputée d’un bras, ce futur père hanté par un enfant serial-killer, cette assistante sociale au bord de la crise de nerfs… je ne vous dis pas tout car, écrit comme cela, vous pourriez prendre peur dans le mauvais sens du terme. Certes, l’univers de Mariana n’est pas tendre mais il est hyper addictif. J’ai plongé dans ce sombre monde argentin, au milieu des petits temples dédiés aux multiples divinités, de ces croyances populaires et d’une histoire riche en morts et en fantômes. J’ai lu jusqu’à en avoir le souffle coupé, j’en ai rêvé aussi : de ces angoisses éternelles, des cauchemars d’enfant que nous avons tous en nous, tapis dans un coin. Mariana Enriquez nous fait palpiter la pompe à vie, joue diablement bien avec les codes, nous montre que l’humain est bel et bien le monstre. Bref, découvrez sans tarder cette auteure argentine pas piquée des hannetons qui a plus d’un tour dans son sac. Lisez et frissonnez, cet ouvrage est un pur plaisir littéraire, effroyablement bon!

Ce que nous avons perdu dans le feu de Mariana Enriquez – éd. du Sous-Sol – 236 pages – 19 euros / Parution demain, le 12 Janvier 🙂

Fanny.

Prix poche

Pour bien démarrer l’année, nous vous proposons une sélection de romans parus en poche tout au long de l’année 2016 (uniquement des coups de cœur). Vous avez deux mois pour voter (en direct à la librairie, par mail, facebook, carte postale etc). Et comme on est sympas, vous pouvez même en choisir deux 😉 !

affiche-prix-poche-2016affiche-prix-poche-2016-page-001

Les libraires masqués