Pacifique

90356364_2852895338080671_2422982405351538688_n

Cent quarante deux pages pour un roman vif et éclatant. Cent quarante deux pages pour nous donner à lire l’essence d’un monde.
Stéphanie Hochet portraitise un kamikaze de la Guerre du Pacifique. En peintre des mots, elle brosse un regard, une attitude, une éducation, une vision du monde. Ses phrases sont précises, affutées, le personnage prend des contours de plus en plus précis, s’étoffe.
Me voilà dans ce Pacifique où virevoltent des centaines de Kikusui ou « Chrysantèmes volants », cette jeunesse nipponne éblouissante se suicidant dans leur cercueil volant, piquant sur les navires américains ennemis.

Isao est un enfant de l’Empire du Soleil Levant, élevé par une grand-mère descendante de samouraï, portant haut l’honneur d’une nation. Isao, l’enfant déjà soldat, qui te raconte son éducation, ses croyances et ses doutes.
J’ai aimé ce ton clair qui communie avec la foi militaire du personnage, tout comme ces envolées poétiques qui introduisent la faille magnifique, celle laissant entrer les questions et l’absurdité de ce monde.
Parce qu’évidemment Stéphanie Hochet nous emporte au-delà d’une mission suicide et c’est toute la saveur de ce roman conté.

Sous le sceau impérial du Japon, Isao déploie ses pétales, est-ce à dire son histoire qui aurait pu se finir au fin fond d’un océan. J’ai aimé l’habilité de l’auteur à capter une époque, un lieu, une atmosphère et l’exploration d’un personnage pris dans l’étau de sa propre histoire et la vacuité de sa vérité.
D’une apparente simplicité, Hochet nous porte vers un rivage inattendu avec grande finesse, c’est surprenant et éblouissant comme un lever de soleil.

Coup de ❤️ façon katana.

Fanny.

 

Le détour

dav

Pour commencer à vous parler du « Détour » (traduction investie de Corinne Lucas Fiorato), j’ai trouvé plus aisé de vous adresser le mot de l’éditeur, à savoir l’excellente maison du Tripode: « Nous devons la découverte du présent ouvrage à un bref passage des carnets intimes de Goliarda Sapienza: « Fini de lire « Le Détour » de Luce d’Eramo, assurément le plus beau livre de ces dix dernières années et peut-être un chef-d’œuvre absolu; cela m’obligera à relire « Si c’est un homme » et « Le dernier des Justes », pour vérifier ce que je soupçonne. C’est à dire que le livre de Luce est le plus actuel sur ce sujet, le plus durement approfondi dans la démonstration de l’aventure nazie, le plus polémique et courageux. » »

Ces textes, témoignages et analyses de Luce ont été écrits en 1953, 1954, 1961, 1975 et 1977.

Tout d’abord la force de Luce d’Eramo, cette obstination absolue de vouloir savoir puis de vouloir vivre en conscience, ce fut comme une claque.

D’Eramo faisait partie d’une famille de dignitaires fascistes italiens. J’utilise l’imparfait car la jeune Luce, à défaut de tout remettre en cause -ce n’était pas encore ce moment- se posait des questions et n’obtenait que des réponses évasives, dans l’air du temps sous le signe des chemises noires.
Alors, elle, l’étudiante chercheuse de réponses, partit, s’évada plutôt, avec, dans son baluchon, deux portraits, celui de Mussolini et l’autre d’Hitler; direction les camps de travail nazi. Tout un personnage voyez-vous… Et c’est ce qui est attachant dans son récit car d’Eramo ne cache rien, sorte de chat sauvage bousculé dans ses certitudes, têtue comme une mule, instinctive, perturbante, libre…et se posant la question éternellement philosophique de ce qu’est cette liberté.
Son extrême franchise m’a plu, ce ton qui ne supporte ni le jugement hâtif, ni la complaisance, ni la pitié, ni la bêtise. D’Eramo porte en elle le courage de se frotter à ses antagonismes, ses colères, ses erreurs, ses fantômes.

Le texte débute par son évasion du camp de Dachau. Dans un style étonnamment précis, Luce D’Eramo nous donne à ressentir son histoire et c’est passionnant dès ses tous premiers instants.
J’y ai ressenti l’ampleur du mouvement qui s’opère en elle, cette anarchie, sa survie, ses camarades, ses rencontres, ses ennemi(e)s, ceux et celles qui se prennent dans une furieuse envie de gratter ce qui reste de vie, les paillasses, le rejet de ce qu’elle est et représente, l’incompréhension et finalement le combat, sans cesse, contre toute idéologie.

Et puis il y a ce passage intitulé « Sous les pierres », écrit en 61 où Luce D’Eramo nous fait entrer dans ses tripes, littéralement. Son acharnement à nous décrire sa lutte assourdissante avec ce corps disloqué suite à la chute d’un mur, la perte définitive de ses jambes et ce rejet constant de toute forme d’apitoiement.
Luce analysera, plus tard, cette « prison totale », « l’idiote » qu’elle se dit être à ce moment, de se cacher derrière cet optimisme à tout crin, ne voulant pas travailler sa vérité intérieure, beaucoup plus tourmentée.
J’ai aimé cette seconde partie, plus « analytique » quoique toujours aussi vibrante d’énergie et d’intelligence, où D’Eramo reconstitue le fil d’elle-même, de ses engagements politiques, toutes ces décisions prises depuis ce moment du « Détour » (« Deviazione ») tatoué en elle pour toujours.

Voici un récit qui ne fait pas dans la demi-mesure en auscultant tout autant la part sombre de l’humanité que sa lumière.
Un ouvrage absolu et nécessaire.
Coup au ❤️ façon « forza ».

Fanny.

 

 

 

Le sourire du Scorpion

79743529_2642652555771618_6919100453095473152_o

Un roman à la fois lumineux et terriblement oppressant, une histoire qui vous subjugue et vous enserre au sein d’une mécanique littéraire bien huilée, voici Le sourire du Scorpion.

D’abord la nature, omniprésente, dense, parfois tempétueuse, parfois salvatrice, c’est elle qui donne le pouls, vous alerte, vous met en tension, accompagne les événements.
Patrice Gain plante un décor puis y distille une ambiance qui se ressent dès les toutes premières pages.

Nous sommes en 2006, au Monténégro. Tom nous raconte son histoire, à l’imparfait. On sait alors que quelque chose de terrible s’est produit. Comme ce genre de mauvais rêve qui vous plonge ensuite dans des pensées sombres même si tout semble beau et chaleureux… en apparence… car les souvenirs d’une ancienne guerre remontent aussi vite qu’un gilet de sauvetage dans le remous des vagues.

Tom, Luna, Mily, Alex et Goran. Une famille part en expédition dans les eaux blanches de la Tara, au sein d’un canyon profond, imposant.
Évidemment j’ai eu rapidement en mémoire l’impitoyable Délivrance de James Dickey. L’ auteur ne nous trompe pas et pose le livre dans les mains du personnage de Tom. Il y a certes un écho mais Le sourire du Scorpion garde sa puissance originale jusqu’au bout.
L ‘ennemi ne nous surplombe pas, il est beaucoup plus proche, trop proche.

Je suis donc partie dans ce roman noir qui dépeint l’âme humaine tourmentée comme un Le Greco, et la nature comme une sublimation de notre monde. C’est à la fois beau et dramatique, une tragédie à la fois contemporaine et éternelle.
Le sourire du Scorpion vous plonge dans les racines d’un mal provenant des guerres, du silence, des mensonges et de la manipulation.

Patrice Gain est un explorateur de la part sombre qui peut surgir à n’importe quel moment, vous tourmente, vous empêche de prendre un quelconque recul sur les événements afin de mieux vous assaillir.
Ici, seule la nature sait et reconnaît « les choses ».

Coup au 🖤 glaçant.

Fanny.

 

Un monstre et un chaos

Un-monstre-et-un-chaos

Happée, subjuguée, effarée, emportée. Un monstre et un chaos vient d’une histoire tristement ancienne, celle de la violence des hommes faite à leurs semblables.

Avec son écriture d’une rare finesse, sa manière de déployer les scènes avec maestria, son sens du rythme et de la dramaturgie, Hubert Haddad signe un très -très- grand roman.

Nous sommes en 1941. Ils sont jumeaux, Ariel miroir d’Alter, deux jeunes garçons d’une bourgade polonaise, Mirlek. Ce sont les enfants du désastre, déjà marqués par les blessures familiales liées à la Grande Guerre, entourés d’âmes fracassées.
Shaena entoure ces deux gamins qui surgissent, se fondent, surprennent, découvrent, vivent ! Puis un jour, un monstre d’acier s’approche du shtetl, articulé par des hommes assoiffés de sang, de rage, de haine.
Soudain, Alter perd Ariel, sa maigre famille, son foyer tremblant. Il erre, soutenu par le refuge de la forêt, il avance, hébété.

Alter se retrouvera dans le ghetto de Lodz. Il ne se soumet pas au port de l’étoile, résiste à sa manière, surgit, guette, rencontre, se débat, s’échappe, puis se laisse apprivoiser par Maître Azoï qui tient en ce lieu, un théâtre de marionnettes. Mais dans cet espace entravé existe aussi, et a vraiment existé, Chaïm Rumkowski, autoproclamé « Roi des Juifs ». Ce personnage sauve ce qui déjà ne lui appartient plus et brise son peuple avant de le mener au chaos.

Rumkowski transforme le ghetto en camp de travail, petites mains qui se brisent sur les fils tendus des machines, tout cela pour servir le Reich.
Dans cette apocalypse, Alter trouve des bouts de tissus dans la caverne de Maître Azoï, il polie, biseaute, assemble, peint, vernit, crée sa marionnette, miroir de l’âme.

J’ai été envahie par ce roman, j’y ai ressenti tellement de choses, à la fois la beauté et la cruauté, la maigreur et l’opulence, la lâcheté et le courage, l’infamie et la résistance.
Un monstre et un chaos vous happera jusqu’à la dernière page, les blessures profondes venant chercher l’onguent provenant de cette culture yiddish vive et éternelle.

Un monstre et un chaos est un éblouissement littéraire, un roman d’une force immense. Ne l’oubliez pas, n’oubliez jamais.

Rencontre avec Hubert Haddad ( joie! stress, mais joie ! ) le 26 novembre prochain, à la librairie ! Mais je vous en reparlerai bien sûr 😉

Fanny émue.

 

 

Eric Vuillard était là et c’était -toujours- aussi bien :)

Eric Vuillard était donc là ce vendredi 15 pour, encore, un très chouette moment de rencontre! 80 personnes environ, avaient fait le déplacement pour rencontrer cet écrivain érudit et passionnant.

Vuillard 7

smartcapture

Cela s’est passé à la bibliothèque de Dinan cette fois-ci (merci pour leur accueil chaleureux), Gaël présentait le nouvel opus de l’auteur rennais « La guerre des pauvres« . Eric Vuillard, écrivain investi et humaniste, a enchanté son auditoire.

davdav

btr

Attentif aussi à ses lecteurs-trices lors de la séance de dédicaces…

VUILLARD8

… et inversement 🙂

vuillard 3

Vuillard1

 

 

 

 

 

La soirée s’est finie à Argile et Vin, chez Jean et Liney, où, autour de spécialités vénézuéliennes, et en compagnie de quelques habitué(e)s de la librairie, nous avons porté la discussion de « La guerre des pauvres » hors les murs.

Bref, vivement le prochain roman de l’auteur et un grand merci aux lecteurs et lectrices venu(e)s le rencontrer. Vive le partage et que vivent les livres 🙂

Le prochain rendez-vous se passera à la librairie, ce jeudi 21 Février, en compagnie de Peter Heller et Céline Leroy, à 19h.

Les libraires masqués.

L’Arbre Monde

arbre monde

« Nous traversons la voie lactée tous ensemble, arbres et hommes. A chaque promenade avec la nature, on reçoit bien plus que ce que l’on cherche. L’accès le plus direct à l’univers, c’est une forêt sauvage. »

… Il était une fois un livre de Richard PowersL’Arbre Monde  traduit, avec excellence, par Serge Chauvin. Huit destins, huit racines qui donnent toute la puissance à cette polyphonie magistrale.

Le châtaignier, le mûrier, l’érable, le figuier, le tilleul, le séquoia, ce sont ces arbres, qui, dans ce roman, tracent leurs histoires à leur mesure, de manière absolue et irrévocable. Nicholas, Mimi, Adam, Ray, Dorothy, Douglas, Neelay et Patricia nouent leurs destinées selon notre tempo humain, est-ce à dire de manière vive et fugace.

L’Arbre monde est un roman polymorphe qui m’a littéralement accueilli dans ses ramifications pour ne plus me lâcher. Les personnages de Richard Powers, hommes et femmes, ont posé leurs empreintes en Amérique du Nord, à différentes époques et sur différents lieux : il y a des histoires, des drames, des révélations, du suspense et de l’émerveillement. Puis vient le tronc commun à ces instants humains : la défense du dernier séquoia géant, « vu d’en dessous, ce pourrait être Yqqdrasil, l’Arbre Monde, qui a ses racines dans le monde souterrain et sa cime dans le monde céleste, l’Arbre de l’Évolution : une grande idée qui éclate en une famille de branches nouvelles, tout là-haut, au fil du temps long. ».

Ce roman puise son irrésistible force dans ces sèves humaines qui, de rage, de désespoir, d’amour, de résolution et d’obstination, vont faire basculer des vies qui n’attendaient que ce moment pour naître, enfin, au Monde. L’Arbre Monde de Powers diffuse sa fable écologique par son histoire épique, son cœur mystique et son regard humaniste. J’ajouterai que l’Arbre Monde  fait partie de ces romans qui peuvent changer une vie… grandiose donc.

L’Arbre Monde de Richard Powers, traduit par Serge Chauvin, Cherche Midi éditions, 540 p. – 22 euros –

Fanny dans les bois.

Eric Vuillard : Dédicace et Rencontre vendredi 22 décembre

affiche goncourt vuillard-page-001

Nous avons le plaisir de vous annoncer qu’Eric Vuillard, Prix Goncourt 2017 pour son récit L’Ordre du jour, sera à la librairie (encore :)!) vendredi 22 décembre.

N’hésitez pas à venir le rencontrer à partir de 15h00, à la librairie. Il sera présent pour une séance de dédicace. Puis, à partir de 18h00, nous vous proposons d’échanger avec lui, autour d’un verre, afin de passer un moment convivial. Vous venez quand vous le souhaitez, aucune inscription n’est requise.

Nous tenons à remercier Eric chaleureusement. Il a eu la démarche peu commune de transmettre à son éditeur une liste de librairies qui le soutenaient depuis le début et chez qui il souhaitait se rendre à nouveau. Et nous avons la chance d’en faire partie. C’est pas top, ça?!!!

Les libraires masqués (sur un petit nuage)

Les marches de l’Amérique

marches amerique

Lorsque j’ai refermé le livre de Lance Weller, j’ai eu le souffle coupé et la pensée vagabonde. J’ai eu besoin de me relier au silence de la pièce, me reconnecter aux bruits alentour, à la douceur du rayon de soleil qui passait en oblique sur le mur, aux chants des oiseaux qui ont décidés de squatter la gouttière. Voilà, du silence, de la paix. Car Les marches de l’Amérique est un roman fracassant, traduit par François Happe (qui porte bien son nom d’ailleurs). Tout commence par le souvenir. Un jeune garçon se remémore leur rencontre sous ce soleil implacable : Tom Hawkins et Pigsmeat Spence. Ils sont deux vagabonds des plaines qui errent dans ce pays, l’Amérique, qui a pillé, massacré et tué sans relâche. Lance Weller fait face à ses deux personnages et nous raconte leur histoire. Tout débute par la naissance de cet enfant taiseux qu’est Tom. Cette mère qui le pince un peu trop fort pour avoir une réaction, ce père qui ne lui accorde qu’un regard réprobateur. Weller y installe sa première tragédie, ce premier destin incandescent. Puis arrive Pigsmeat qui porte, depuis son origine, la disparition de la mère, morte en couche. Le père le porte responsable de cette vie, et donc, de cette mort. Voilà la deuxième tragédie. Et toujours le style de Weller qui fait battre violemment votre cœur et vous brûle les doigts : l’écriture est intense, concise et magnifique. La violence est partout sur leur chemin, pas de répit: les indiens luttent pour leur survie, les Mexicains luttent pour leur territoire, les colons saccagent l’âme et le corps. Et puis il y aura Flora, cette fleur qui a poussé dans ce terreau avide de sang et de désir de conquête. Elle est une putain, une femme esclave qui apprendra, sous l’égide du maître, à lire, écrire et donc à comprendre, vaincre, questionner. C’est elle qui donnera un but au chemin de Tom et Pigsmeat et c’est ce trio qui traversera ce pays de fous, de poussière et de meurtres. Weller parle de son pays, espace tangible, mobile et pourtant magnétique. Il parle de ceux et celles qui l’ont fait, dans la douleur, la violence, la peine, les cris et l’amour. Lance Weller nous transperce le cœur, nous fait nous souvenir que nous vivons encore comme des fous dans cette grande Histoire qui nous dépasse. Les marches de l’Amérique a une puissance de narration incroyable, il nous parle de destins, de barbarie et de rédemption. Du grand, du fort, de l’intense, pour tout cela, monsieur Lance Weller, vous êtes un sacré bon écrivain.

Les marches de l’Amérique de Lance Weller chez Gallmeister – 354 p. – 24.20 euros-

Fanny.

Le premier miracle

img_2618

Il faut savoir de temps en temps se détendre un peu! Certains livres sont parfaits pour ça, et Le premier miracle de Gilles Legardinier en est un!

Il y a du mystère (vous connaissez Da Vinci Code?), de l’humour (genre OSS117), des voyages (tendance Indiana Jones), de l’amour (un peu comme Quand Harry rencontre Sally), le tout accompagné d’un peu d’Histoire… On passe un bon moment, on se détend, on apprend, et je crois que c’était un peu l’objectif de l’auteur. Pour ma part c’est mission accomplie!

Gaël